Voici l’histoire incroyable de la pêche de 4 morues records de France et 1 morue record d’Europe en une journée ! Nous sommes le 20 mars 2011, je présente mes derniers leurres souples à morues et lieus jaunes en magasin. Le lendemain, je prends le large pour une mise en pratique, loin d’imaginer qu’une pêche de morues records m’attend !
L’hiver, je recherche en particulier deux espèces : le lieu jaune et le cabillaud, appelé communément morue. Ces deux gadidés sont capables d’atteindre des gabarits supérieurs à celui du bar, passant dans leurs vieux jours la barre des 10 kg. C’est à la pêche ce qui me fascine au plus haut point : la qualité plutôt que la quantité. Cette année là, j’ai capturé un lieu jaune de 8,4 kg en février et je pensais en rester là en terme de gros poisson hivernaux. Pourtant, contre toute attente, la mer s’avère conciliante et m’offre une journée d’exception avec des morues records. Récit de cette incroyable journée.
Le choix des grands fonds pour cibler les morues
Au départ de Boulogne-sur-Mer, je cherche en priorité le cabillaud, appelé plus souvent morue dans le nord de la France. En 2011, je vis à Bordeaux pour le développement des produits de la marque Sakura. Autant dire que j’ai perdu de vu ce poisson des eaux froides. Je suis allé à la pêche aux informations et les échos sont très mauvais. Du côté des pêcheurs professionnels comme des pêcheurs de loisir, les morues se font rares. En effet, cet hiver 2011, les morues sont désespérément absentes des étales. Pas de quoi décourager notre petite équipe constituée de Thomas et Didier, deux amis d’enfances. Lorsque la première accalmie du mois est annoncée, il ne faut pas bouder son plaisir. Je suis déterminé à prendre le large et, à minima, un bon bol d’air.
Nous nous rendons sur les grands fonds susceptibles de regrouper les cabillauds en fin d’hiver. Nous sommes dans le rail montant du détroit du Pas-de-Calais, une zone appelée « autoroute des cargos ». Ici, le trafic est le plus intenses au monde. Pour trouver les morues sur cette vaste zone, il y a deux solutions. Soit pratiquer une épave, soit prospecter une zone sédimentologique riche en nourriture. Par ces coefficients de marée historiques de 118, les épaves sont difficiles à pêcher. C’est pourquoi je sélectionne une zone de pêche indiquant les sédiments « bkSh ». Cette abréviation signifie « broken Shells », traduction littérale de « coquillages cassés ». Ces mollusques attirent les ophiures, voisins des étoiles de mer, dont les cabillauds adultes se délectent en quantité.
Au passage, ces gros spécimens de cabillauds ne font qu’une bouchée de tout poisson qui se trouvent sur leur passage. Ils ingèrent comme des bonbons les harengs, tacauds, merlans et poissons plats.
Les morues nous scotchent au fond à la 1re dérive
La première dérive nous annonce la couleur : une belle détection de fond apparaît au sondeur. Bingo, les cannes sont pliées au maximum. C’est du lourd, c’est du cabillaud à coup sûr ! La belle appelée morue nous scotche au fond, elle ne monte que centimètre par centimètre !
Thomas et moi remontons chacun une morue de plus de 6 kg sur des leurres volumineux. De son côté, Didier remonte un petit cabillaud d’1,5 kg pris au slug, un leurre effilé. C’est petit, pourtant la morue aime habituellement le lançon. Pas aujourd’hui ! Notre carnassier est focalisé sur du hareng. Ainsi, au fil des dérives, nous comprenons vite que pour cibler du gros il faut du leurre volumineux. Tout du moins, il faut des leurres ventrus qui calquent avec la morphologie des harengs. C’est alors que nous remontons lentement mais sûrement des spécimens de plus de 6 kg sur nos leurres souples. De leur côté, alors que les 3 autres bateaux présents sur zone ne prennent strictement rien. Ils opèrent à l’ancienne avec des cuillers de 250 à 500 g.
Du matériel léger de la canne au leurre
Pour cibler les grosses morues présentes sur le fond, il fallait du leurre volumineux lesté le moins possible. Des leurres de 15 à 20 cm, bien ventrus, avec une tête plombée de 75 à 125 grammes. Pour bénéficier du volume du shad sans les vibrations qui ralentissent la descente dans les grands fonds, on peut couper la nageoire caudale.
Les cannes utilisées sont en carbone haut de gamme, comptez un prix minimum est de 150 euros pour une action correcte. La longueur est de 1,90 à 2,25 m, la puissance moyenne de lancer de 20-85 g et les moulinets de taille 4000 à 5000 garnis de tresse 0.18 à 0.23 mm.
J’ai utilisé aussi ce jour un matériel bait-casting pour des sensations optimales.
Un festival de morues records avec une moyenne à 6,5 kg !
Quel contraste entre les cuillères lourdes utilisées par les autres bateaux et nos leurres souples utilisés sur lignes fines. Si les voisins n’ont rien pris, pour ma part, c’est un festival d’énormes poissons avec 4 morues records de France et un record d’Europe : 6.845 kg, 6.855 kg, 9.060 kg et 10.190 kg, pris respectivement sur des lignes 0.20, 0.10, 0.38 et 0.14 mm. Nous avons atteint le quota avec un poids moyen de 6,5 kg par cabillaud !
Des morues records grâce au matériel léger
Je suis allé voir l’un des bateaux dont le capitaine m’avait acheté du matériel la veille. Sur mes conseils, il a acheté au magasin tout une panoplie de matériel pour la pêche de la morue. A savoir une canne, un moulinet, la tresse en 0,16 mm et les leurres souples et têtes plombées. Un beau panier pour être opérationnel. Je lui indique les leurres qui fonctionnent, il me surprend en m’indiquant qu’il n’a rien embarqué de ses achats de la veille. Finalement je me dis que j’ai été un bon vendeur, il a acheté convaincu par mes belles histoires mais qu’il n’y croyait pas assez. Il utilisait ses cannes habituelles, des manches à balais comme on dit aujourd’hui.
Etant donné la grosseur de sa canne et de sa tresse, je lui confie ce que j’ai de plus lourd : un shad de 15 cm avec une tête plombée de 125 g. En une dérive, il prend une belle morue de 6 kg. Ouf, cette morue le sauve de la bredouille ! Une démonstration que notre ami n’est pas prêt d’oublier. Au passage, les 3 bateau qui pêchaient “à l’ancienne” avec du gros matériel m’ont permis de confirmer l’importance du matériel léger pour toucher ces poissons records en activité alimentaire sur des harengs. Un leurre souple planant imite mieux le harengs qu’une cuiller de 300 à 400 grammes.
Cabillaud ou morue, une histoire de conservation
Autrefois, en période d’après-guerre, les pêcheurs professionnels ne disposaient pas glace à bord des bateaux. Ils n’étaient pas contraints aux normes de qualité. Leur meilleure méthode pour conserver les poissons était le sel. Ce dernier permettait de conserver le cabillaud durant 1 mois dans le chalutier. Une aubaine à l’époque ! Les cabillauds étaient stockés par rangées séparées de gros sel. Le cabillaud ainsi conservé puis séché est appelé morue. Des quantités colossales de cabillauds salés sont amenées à la côte et sont vendues à très bas prix. C’est pourquoi il était appelé « poisson du pauvre » dans le Nord de la France.
Les méthodes de conservation ont évolué mais la morue se vend encore aujourd’hui salée. Le cabillaud est encore appelé communément morue. L’image du « poisson du pauvre » lui a très longtemps collé à la peau. Mais de nos jours, la morue s’est raréfiée et est presque devenu un poisson noble. Le dos de cabillaud se vend cher ! Un cabillaud frais, vidé en mer et cuit au court bouillon dans les 1 à 4 jours qui suivent la pêche est un plat exquis. S’il dépasse les 2,5 kg, il est possible de faire cuire le restant du court bouillon en gratin. C’est l’un de mes poissons favoris et son goût n’a rien à voir avec celui du cabillaud salé qui se vend encore aujourd’hui. A défaut de pouvoir en pêcher, il est possible d’en trouver en bon état en poissonnerie ou directement auprès d’un pêcheur professionnel sur leurs étales.
Pour être correct, j’aurais pu écrire cabillaud tout au long du récit. Mais l’usage du terme morue est beaucoup plus répandu dans le jargon du pêcheur professionnel comme sportif. Spontanément, c’est ainsi que j’aime appeler ce fabuleux poisson.